Appel à un mois de solidarité avec les inculpés de Villiers le Bel

ça ne se passera pas comme ça…

Pourquoi nous devons libérer les incarcérés de Villiers-le-Bel.

 

Le 21 juin prochain, ce ne sera pas l’été, ce ne sera pas la fête de la Musique; ce sera l’ouverture du procès de nos amis, de nos frères. Maka et trois autres de Villiers-le-Bel devront répondre de l’accusation d’avoir tiré à la chevrotine sur la police durant les émeutes de novembre 2007. Le scénario est déjà écrit : après l’opération de communication de février 2008 – 1500 hommes en armes dans la cité avec journalistes embarqués -, après les «sanctions exemplaires » exigées par Sarkozy, après les condamnations démesurées des émeutiers au printemps dernier – 3 ans ferme pour jet de pierre -, ce sera le procès de la « banlieue-tueuse-de-flics », chargé de réconcilier le pouvoir avec l’électorat du Front National et tous les flippés de France.


On négligera que les deux seuls morts dans cette affaire, ce sont Lakhamy et Moushin, deux adolescents tués dans un curieux « accident » avec une voiture de police. On fera semblant d’oublier que les secours à peine arrivés, un porte-parole du ministère de l’Intérieur annonçait déjà aux médias que les policiers n’étaient pour rien dans ces morts. On évitera bien d’évoquer que c’est le déferlement de cars pleins de CRS sur la cité qui a déclenché l’émeute. Puisqu’il faut des « coupables » sur qui déchaîner la vengeance de l’Etat, il faut un procès, un procès pour l’exemple. En l’absence de la moindre preuve, ce sera un procès de témoignages, ce sera parole de flics et de délateurs anonymes rémunérés contre parole de « jeunes », devant un jury d’assises.


Jusqu’à la mort de Lakhamy et Moushin, Villiers-Le-Bel, c’était une petite ville discrète du Val d’Oise -la gare, la Cerisaie, la ZAC, le PLM, les Carreaux, les Burteaux… Depuis les émeutes, Villiers, ce n’est plus une ville, c’est un symbole, un enjeu, un fantasme. Le pouvoir y projette toutes ses angoisses sécuritaires, et d’abord sa crainte qu’à l’occupation policière des quartiers réponde l’émeute organisée, que ceux que l’on braque au flash-ball depuis dix ans finissent par mettre les flics dans le viseur. Chaque soir de l’année, les boulevards de Villiers ne sont plus qu’un ballet des différents corps de police – UTEQ, gardes mobiles, CRS, BAC, etc. -, en attendant l’inauguration du nouveau commissariat de 360 hommes. C’est une expérimentation où l’on cherche à déterminer le niveau de pression policière, de provocations que peut supporter un quartier sans exploser. La sensation, ici, ce n’est pas de vivre en marge de la société, mais dans le laboratoire de son futur. S’il y a dans l’avenir proche un risque de soulèvement, ce qui est sûr c’est que c’est à Villiers que le pouvoir s’entraîne à le gérer. N’importe qui se promène ici dans la rue après 17 heures comprend: L’Etat et ses patrouilles de Robocops façon Gaza ne cherchent pas à ramener l’ordre là où règnerait le désordre, mais à provoquer le désordre au bon moment pour pouvoir être vu comme ceux qui ramènent l’ordre, quand s’approchent les élections.


En vérité, cette société est devenue si incapable de dire positivement ce qu’elle est ni ce qu’elle veut, qu’elle ne sait plus se définir que contre la banlieue. C’est pourquoi le pouvoir veut faire du procès de Maka et des autres le procès des « tueurs de flics » : pour souder autour de lui une société en perdition. Nos amis n’ont pas à payer pour cette perdition, ni pour le salut des gouvernants. Le procès qui leur est intenté ne vise pas, au fond, à établir la responsabilité d’actes précis, c’est le procès d’un événement dans son entier, et plus que d’un événement encore, celui d’une séquence historique. Une séquence historique qui s’est ouverte avec la mort de Zyed et Bouna et les émeutes de 2005, et que le pouvoir voudrait finir d’étouffer par un procès d’assises à grand spectacle.
Le problème, c’est que la rage et la révolte qui se sont exprimés là ne s’y laisseront pas étouffer. Un autre est que ces explosions-là ont résonné et résonnent encore dans bien d’autres coeurs que celui des dits « jeunes des cités ». Un autre encore est que cette nouvelle opération d’isolement est peut-être en passe d’échouer définitivement. Des cloisons se sont brisées, des mains qui se cherchaient à tâtons se sont trouvées.
Nous en appelons à tous ceux qui ne supportent plus l’occupation de nos vies par la police. Nous ferons tout pour que ce procès ne soit pas une nouvelle occasion de légitimer cette occupation par les désordres qu’elle produit.
Nous refusons que nos frères payent pour les angoisses des gouvernants. Cela fait déjà deux ans qu’on les tient enfermés.
Nous refusons que des dizaines d’années d’emprisonnement soient distribuées sur la base de témoignages
anonymes rétribués par la police.Nous refusons le scénario du gouvernement. Nous avons trois mois pour le chambouler.

 

 

Plusieurs dates sont déjà prévues dans cette tournée de soutien qui se déroulera du 20 mai au 15 juin 2010
et devrait déboucher sur un appel à manifester quelques jours avant le début du procès. Un programme partiel sera rendu public dans les semaines qui viennent.
Prenez contact avec nous. Organisez des soirées de soutien, des débats, des projections. Rencontrons-nous.
Pour nous soutenir financièrement (avocats et campagne de soutien), vous pouvez obtenir les coordon-
nées bancaires du collectif de soutien de Villiers le Bel en écrivant à:
respectveritejustice(a)gmail.com
Pour toute information concernant la tournée et pour communiquer les différentes initiatives:

www.soutien-villierslebel.com

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lettre de Maka et Benjamin traduite en allemand (par autonome antifa freiburg)

Ihr hättet uns nicht in den gleichen Knast sperren sollen!

Brief von Maka und Benjamin


Ich bin Maka, ich bin 22 Jahre alt und in Unterbindungshaft seit
dem 23. Februar 2008. Gegen mich wird seit den großen Polizeieinsätzen,
die auf die Aufstände von Villiers-le-Bel im November 2007 folgten,
wegen „versuchtem Mord an einem Polizeibeamten“ ermittelt. Infolge des
Todes zweier Jugendlicher nach einem Zusammenstoß mit einem
Polizeifahrzeug hatten hunderte Kids mit der Polizei gekämpft.

Ich
bin Benjamin, ich bin 31 Jahre alt und stehe unter juristischer
„Bewachung“ seit einem Verfahren um die Mitgliedschaft in einer
„kriminellen Vereinigung mit terroristischen Absichten“, das nach
zeitgleichen Anschlägen auf die Stromversorung mehrerer
Schnellzugtrassen im November 2008 eingeleitet wurde und frankreichweit
zu riesigen Polizeieinsätze führte.

Ein Weißer. Ein Schwarzer.
Eine Vorstadt des Val-d’Oise. Ein kleines Dorf in der Corrèze.
Afrikanische Eltern der ersten Einwanderungsgeneration. Provinzielle
Mittelklasse. Universitärer Abschluß. Früher Schulabgang. Unsere
Geschichten kreuzen sich durch den Zufall eines Abweichens von den im
großen Zirkus der gesellschaftlichen Reproduktion vorgesehenen Gleisen.
Ein Desertieren von den „Möglichkeiten“ eines vorausgesetzten
beruflichen und universitären Karriereplans.

Ein Desertieren von
der Perspektive zum früh aufstehenden Frankreich zurückzukehren, das
Frankreich was wir um fünf Uhr im RER treffen, das Frankreich, welches
die Bühne putzt, da wo das Frankreich, das zählt, sich am hellichten
Tag darstellen kann. Auf jeden Fall ein Desertieren vom abschiebenden,
verknackenden, diskriminierenden, befehlenden, klassifizierenden
Frankreich, das aufgrund von Klasse, Rasse und „Herkunft“ verordnet,
urteilt und wegsperrt.

Wir haben uns in einem feuchten und
modrigen Ausgangshof des mit einem schrecklichen Ruf behafteten Knasts
Fresnes getroffen. Im Schatten des Stacheldrahtes, die Füße in der
Rattenpisse. Ein Jahr bereits ist es her, dass wir uns kennenlernten.
Und das Justizsystem hat keine Chance verpasst sein wahres Gesicht zu
zeigen: Ein System, das Tag für Tag die Kriterien des Annehmbaren neu
festlegt und bestimmt, was den meist dominierenden Klassen dieser
Gesellschaft etwas bringt oder nicht.

Gegenüber diesem System
stehen wir beide als halbnackte Figuren des inneren Feindes der neuen
Welle da. Im Visier einer Regierung die täglich die Tradition des alten
und reaktionären Frankreichs aufleben lässt. Wir verstehen die
Emsigkeit mit der die Regierung mit Hilfe der meisten Medien von uns –
jeweils auf eigene Art – die schlimmsten Portraits von „Barbaren“,
„Bewustseinslosen“, „Ultra-Gewalttätigen“, „Anarcho-Autonomen“,
„Gesindel“ und sonstigen sprachlichen Übertreibungen skizziert.

Wir
verspüren auch in welchem Ausmaß unsere Verleumdung heraufbeschworen
wird, es ist die Befürchtung, dass diese Darstellungen am Ende
erwünschter sind, als die offiziellen Darstellungen gelungener
Integration. Und sie sind es, zweifelsohne… der junge
Hochschulabsolvent, der dem Abendland in die Suppe spuckt und sich
damit nicht begnügen wird; der junge Einwanderersohn, der sich seiner
Funktion als Diener, die schon immer für Leute seiner Hautfarbe
vorgesehen waren, nicht mehr beugen möchte. Bemerke: selbst in den
Reihen der designierten inneren Feinde machen Hautfarbe und Förderung
einen mordsmäßigen Unterschied.

Die „Zivilgesellschaft“ und die
Medien bewegen sich weit weniger, wenn es um das Los einiger
jugendlicher „Indigener“ geht, die sich mit der starrsinnigen Polizei
kloppen, als wenn es sich um Abtrünnige der weißen Mittelklasse, der
politischen Grundlage dieses Landes, handelt. Und die Staatsanwälte
haben immer eine härtere Hand. Wir haben uns alle beide dort
wiedergefunden, mit Strafanträgen, die jeweils gleich schlecht
begründet waren, beziehungsweise die auf den guten alten „anonymen
Zeugenaussagen“ fußten, um nicht zu sagen auf „lumpige Denunziation“,
zur rechten Zeit und ohne jegliche belastende Beweismittel…

Wir
wurden in echte Staatsaffären verwickelt, deren politische Schlagkraft
weit über das subjektive Geschick unserer kleinen Personen
hinausgingen. Da, wo diese gar nichts zählen, im Namen der
Herausforderungen der Wahlen, des Wettstreits zwischen den
Geheimdiensten und der Polizei, der polizeilichen- und ministeriellen
Kommunikationspolitik. Selbst vor seiner Wahl zum Staatschef hatte
Nicolas Sarkozy seine Befürchtung eines – nie erfolgten –
„Zusammenschlusses“ der Jugendrevolten in den Vorstädten und der
Bewegungen gegen den Ersteinstellungsvertrages (CPE) an den Unis
betont. Es ist kein geringfügiges Paradoxon, dass seine Repression
selbst es war, die uns zusammenführte.

Es hat nie einen besseren
Katalysator gegeben, als das gemeinsame erdulden einer Feindseligkeit,
um Grenzen zu überschreiten, die manchmal unüberwindbar schienen. Das
einfache aneinander stellen unserer zwei Geschichten, erleuchtet die
Gegenwart mit einem schärferen Licht. Wir denken, dass unsere
Zusammenkunft mehr als eine nette Anekdote ist. Sie ist uns beiden als
seltene Chance erschienen aufzuzeigen, was passieren muss, wie wir den
politischen Morast der Gegenwart verlassen können. Wenn wir heute das
Wort ergreifen, ist das, weil es an der Zweit ist, dem ewigen
Fatalismus derer Einhalt zu gebieten, die unter die Räder der Justiz
gekommen sind und keinen anderen Horizont besitzen, als den
eingeschränkten der Knäste.

Wir sind keine Vogelscheuchen, wir
haben das Vermögen zu denken und zu sprechen. Und wir werden diese
Fähigkeiten anwenden, gegen jegliche Erstickung. Ende Oktober wurde das
Verfahren gegen die Polizisten, die an Bord des Fahrzeuges waren, das
den Tod von Larami und Moushin hervorrief, eingestellt. Es wird keine
Verhandlung geben. Derweil wird verkündet, dass vier Personen vor ein
Schwurgericht sollen, die, ohne dasd es Beweismittel gäbe, verdächtigt
werden, während der Ausschreitungen auf die Polizeikräfte geschossen zu
haben. Alles weist auf einen Sühneprozess hin.

Es wird darauf
hinauslaufen ein Exempel an der rebellischen Jugend dieses Landes zu
statuieren: „Hofft nicht einmal darauf euch verteidigen zu können! Wir
kommen ungestraft davon, und ihr kriegt fette Strafen. Eure Füße und
Fäuste sind gebunden“, so scheint es aus einem höllischen Chor der
vereinigten Obrigkeiten zu erklingen. Und wir werden ihn noch lange
hören: Am 27. Oktober fand in Clichy sous Bois eine Gedenkveranstaltung
für Zyed und Burna statt, die 2005 nach einer Verfolgungsjagd mit der
Polizei in einem Transformatorenhäuschen ums Leben kamen. Am selben Tag
erstatteten die Polizisten Anzeige wegen „unterlassener Hilfeleistung“
gegen den mittlerweile volljährigen Muhittin, den einzigen überlebenden
der drei Jugendlichen.

Ich bin Benjamin, ich war gerade mal drei
Wochen lang gefangen. Wie alle anderen Angeklagten in meinem Fall,
befinde ich mich seit elf Monaten unter juristischer Überwachung mit
der Auflage, nicht nach Hause zu gehen. Ich versuche zu bewirken, dass
diese Zeit, die der Justizapparat geklaut hat, nicht umsonst war.

Ich
bin Maka und wie alle anderen Angeklagten in meinem Fall, befinde ich
mich seit 20 Monaten in „Unterbindungshaft“ in einer Isolationszelle.
Ich lese, ich schreibe, ich schärfe mein Verständnis dieser Welt und
des Platzes der uns in ihr gewährt wurde. Ich mache meine Revolution
auf neun Quadratmetern.

Wir sind nur zwei Beispiele unter so
vielen anderen, die wir hier nicht alle aufzählen können. Das Jahr 2010
dürfte neue Bewegung in unsere beiden „Fälle“ bringen. Diese stellen
den totalen Krieg dar, den die Regierung gegen alles führt, das sich
nicht seinen eiskalten und zivilisierten Idealen unterwirft.

Wir
denken nicht das ihnen diese Siege sicher sind. Wir sind uns sicher,
dass wir immer mehr sein werden, mit allen Hintergründen, entschlossen
uns nicht auf die Köpfe treten zu lassen. Diese juristischen
„Handlungen“ müssen auch für jeden die Möglichkeit bieten, in seinem
Zeitalter Stellung zu beziehen. Unter diesen Umständen leise zu
bleiben, gleicht dem Halten des Stils der Schauffel, die sich abquält,
uns lebendig zu begraben.

 

voir en ligne: http://linksunten.indymedia.org/de/node/14221

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Villiers-le-Bel: Un hommage à Larami et Moushin deux ans après leur mort

VILLIERS-LE-BEL, 25 nov 2009 (dépêche AFP) – Environ deux cents personnes se
sont rassemblées mercredi après-midi à Villiers-le-Bel (Val d’Oise) à
la mémoire des deux adolescents tués le 25 novembre 2007 dans la
collision de leur moto avec un véhicule de police, a constaté une
journaliste de l’AFP.

Amis,
voisins et membres de l’association "Respect, Vérité, Justice" se sont
réunis, une rose rouge à la main, devant une stèle posée en souvenir de
Moshin et Lakamy, rue Louise Michel, une petite rue au milieu des
pavillons de banlieue où a eu lieu l’accident. "La blessure est
profonde, elle sera toujours là", a déclaré à la foule Didier Vaillant,
le maire socialiste de Villiers-le-Bel. "Il aurait mieux valu un
procès", a-t-il dit. En octobre, la juge d’instruction chargée de
l’affaire de la collision a rendu une ordonnance de non-lieu, mettant
hors de cause les policiers. "Nous allons aller devant la cour d’appel
de Versailles", a rappelé à la foule Me Jean-Pierre Mignard, avocat des
familles des deux adolescents. "C’est une bataille générale pour notre
pays, pour que la justice soit la même pour tous", a-t-il ajouté.
L’avocat demande que "l’homicide involontaire soit reconnu avec ensuite
un partage des responsabilités sur le plan civil". "Les policiers
roulaient en phase d’accélération, sans gyrophare ni signal sonore",
argumente-t-il. "Si on veut qu’il y ait une loi dans les cités, c’est
la loi, toute la loi, rien que la loi", a déclaré Me Mignard à la
presse. Les parents de Moshin, émus, ne se sont pas exprimés. Une
minute de silence a été observée. Une cinquantaine de jeunes se sont
ensuite rendu à la cour d’appel de Versailles pour déposer une gerbe de
fleurs et plusieurs roses blanches, a constaté l’AFP. Plusieurs d’entre
eux portaient des T-shirt noir avec l’inscription "Morts pour rien.
Lakamy et Moushin. 25/11/2007". Une minute de silence a été observée
devant l’entrée de la cour d’appel. "C’était important, le dossier est
entre les mains de la cour d’appel. Notre message c’est : ’ne les
enterrez pas deux fois’", a déclaré à la presse Saïd Oubiskarne,
porte-parole de l’association "Respect,Vérité, Justice".

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Lettre de Maka et Benjamin

Je suis Maka, j’ai 22 ans, je suis en détention préventive depuis le 23 février 2008. Je suis mis en examen pour « tentative d’homicide volontaire sur agents des forces de l’ordre » depuis le grand baroud policier qui avait suivi les émeutes de Villiers-le-Bel en novembre 2007. Des centaines de jeunes s’étaient affrontés à la police suite à la mort de deux adolescents, dans une collision avec un véhicule de police.
Je suis Benjamin, j’ai 31 ans, je suis sous contrôle judiciaire, mis en examen pour participation à « une association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste » suite aux opérations de police menées sur tout le territoire, notamment à Tarnac, en réaction aux sabotages simultanés de l’alimentation électrique de plusieurs voies TGV en novembre 2008.

Un blanc. Un noir. Cité du Val d’Oise. Petit village de Corrèze. Parents immigrés africains de première génération. Classe moyenne de province. Diplôme universitaire. Déscolarisation précoce. Nos histoires se croisent au hasard d’une désertion des voies tracées pour nous dans le grand cirque de la reproduction sociale.
Désertion des « possibilités » d’un plan de carrière universitaire et professionnel tout tracé.
Désertion de la perspective de  rejoindre la France qui se lève vraiment tôt, celle qu’on croise à cinq heure dans le RER, celle qui nettoie la scène où la France qui compte se produira au grand jour.
Désertion en tout cas de cette France qui expulse, qui parque, qui discrimine, qui classe, ordonne, juge et enferme toujours selon la classe, la race, le « patrimoine ».
Nous nous sommes trouvés dans une petite cour de promenade humide et glauque de la prison de Fresnes de sinistre réputation. À l’ombre des barbelés, les pieds dans l’urine des rats.

Un an déjà s’est passé depuis notre rencontre et le système judiciaire n’a pas manqué de manifester sa véritable nature: un système qui fixe au jour le jour les critères de ce qui est acceptable et de ce qui ne l’est pas au bénéfice, le plus souvent, des classes dominantes de cette société.  Face à ce système, et pris dans le viseur d’un gouvernement qui ne cesse de mettre la vieille tradition réactionnaire française au goût du jour, nous endossons chacun la défroque d’une figure de l’Ennemi Intérieur nouvelle vague. On comprend bien l’acharnement que met ce gouvernement – appuyé en cela par la plupart des médias – à faire de nous, chacun à sa façon, les plus terribles portraits, « barbares», « inconscients », « ultra-violents », «anarcho-autonomes », « racailles » et toutes sortes d’autres outrances langagières. On sent aussi à quel point ce que l’on conjure à tant nous calomnier c’est la crainte que ces figures soient finalement plus désirables que les figures officielles de la réussite et de l’intégration. Et elles le sont sans aucun doute… le jeune diplômé qui crache dans la soupe de l’occident triomphant et ne compte pas en rester là; le jeune fils d’immigré qui refuse de rempiler dans les fonctions de larbin qu’on a toujours massivement réservées à ceux de sa couleur.
Notez que même aux rangs des Ennemis Intérieurs désignés, la couleur de peau et l’extraction font encore une terrible différence. La « société civile », les médias s’émeuvent beaucoup moins du sort de quelques jeunes « indigènes » aux prises avec une police galvanisée que lorsqu’il s’agit de rejetons de la classe moyenne blanche – socle politique de ce pays. Et les magistrats ont toujours la main plus lourde.
 
Nous nous sommes retrouvés là, l’un et l’autre, sur foi de réquisitoires aussi peu fondés l’un que l’autre, où le bon vieux « témoignage anonyme », pour ne pas dire « délation crapuleuse », dispense opportunément de la « charge de la preuve »…. Pris dans de véritables affaires d’Etat où les enjeux politiques dépassent largement le sort particulier de nos petites personnes, voire s’en balancent, au profit d’enjeux électoraux, de compétition des services de renseignement et de police, de politiques de communication policières et  ministérielles.
Nicolas Sarkozy avait dit, avant même son élection à la tête de l’Etat, toute sa crainte d’une « jonction » -jamais advenue- entre le mouvement des universités contre le CPE et les différentes vagues de révoltes de la jeunesse de banlieue, ce n’est pas le moindre des paradoxes que ce soit sa politique de répression elle-même qui nous fasse nous rencontrer. Il n’y a jamais eu meilleur catalyseur que l’épreuve d’une hostilité commune pour passer des frontières qui étaient parfois apparues infranchissables. La simple juxtaposition de nos deux histoires éclaire le présent d’une lumière plus crue. Nous pensons que notre rencontre n’est pas qu’une anecdote sympathique. Elle nous a paru à tous deux préfigurer ce qui se doit d’arriver, ce qui, comme peu d’autres choses, indique une sortie du marasme politique du présent.
Si nous prenons la parole aujourd’hui c’est qu’il est temps d’en finir avec l’habituel fatalisme qui entoure ceux qui sont pris dans les rouages de la Justice et qui n’ont d’autre horizon que le broyage pénitentiaire. Nous ne sommes pas des épouvantails, nous sommes doués de parole et de pensée et nous comptons bien en faire usage envers et contre tout étouffement.
Fin octobre a été prononcé un non-lieu pour les policiers qui étaient à bord du véhicule qui a provoqué la mort de Larami et Moushin. Il n’y aura pas de procès. Dans le même temps, on annonce le renvoi aux assises des quatre personnes soupçonnées, sans preuves, d’avoir participé aux tirs contre les forces de police pendant les émeutes. Tout semble annoncer un procès expiatoire. Il s’agira de faire un exemple pour toute la jeunesse révoltée de ce pays: « N’espérez même pas pouvoir vous défendre! Nous jouissons de l’impunité totale, vous risquez des peines énormes. Vous êtes pieds et poings liés » semblent hurler tous les pouvoirs réunis en une seule et même chorale infernale. Et nous n’avons pas fini de l’entendre: ce 27 octobre avait lieu à Clichy sous Bois une commémoration de la mort de Zyed et Bouna dans un transformateur électrique lors d’une course poursuite avec la police en 2005; ce même jour les policiers ont déposé une plainte contre Muhittin, seul survivant du trio d’adolescents, aujourd’hui majeur, pour « non assistance en personne en danger ».
Je suis Benjamin, je suis resté à peine trois semaines en détention. Comme mes co-mis en examen je suis depuis onze mois sous contrôle judiciaire strict avec l’interdiction de rentrer chez moi. Je cherche à faire que ce temps volé par l’appareil judiciaire n’ait pas été un temps mort.
Je suis Maka, comme mes co-mis en examen, je suis depuis vingt mois en détention « préventive », et placé à l’isolement. Je lis, j’écris, j’aiguise ma compréhension de ce monde et de la place qui nous y a été dévolue; je fais ma révolution dans 9 mètres carrés.
Nous ne sommes que deux exemples parmi tant d’autres que nous ne pouvons tous citer ici. L’année 2010 devrait voir de nouveaux rebondissements dans nos deux « affaires ». Elles sont toutes deux emblématiques de la guerre totale que mène ce gouvernement contre tout ce qui ne se soumet pas à son idéal glacé et policé. Nous pensons que ces victoires ne leur sont pas assurées. Nous savons que nous sommes toujours plus nombreux, de tous horizons, déterminés à ne pas les laisser marcher sur nos têtes. Il faut que ces « épisodes » judiciaires soient aussi pour chacun l’occasion d’une prise de parti dans l’époque. Rester silencieux en de telles circonstances revient à tenir le manche de la pelle qui s’évertue à vouloir nous enterrer vivants.

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Fallait pas nous mettre dans la même prison !


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Tarnac, Villiers-le-Bel…

"Villiers-le-Bel" et "Tarnac" deux noms qui désignent désormais des offensives judiciaires, politiques et médiatiques menées par l’Etat Français pour faire consister l’idée de "périls intérieurs" face auxquels il serait seul capable de "protéger" la "population" (qui n’en demandait pas tant): les "bandes de cité" et les dits-"anarcho-autonomes". Ces deux évènements auront été l’occasion de grands déploiements de forces de police ainsi que de la mise en oeuvre d’un large panel d’outils de police scientifique, de fichage, de surveillance, de nouvelles technologies du maintien de l’ordre.
A travers la rencontre de certains des protagonistes malgré-eux de ces deux représentations judicaires, nous voulons ici tenter de saisir la nature des opérations du pouvoir et trouver les moyens de les contrecarrer.

 

Contact: fallaitpas{at}riseup.net

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